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Les Chroniques de Riddick

Publié le par Oliver

L'Enfant de Dune
En signant la suite d'une aventure aussi directe et fluide que Pitch Black, David Twohy pouvait se contenter de reproduire un schéma similaire, en revoyant uniquement à la hausse l'ampleur des designs, des décors et de la figuration. Tout d'ailleurs dans la mise en scène s'accorde ici avec le matériau original ; libéré des mouvements souples, lents et angoissants de Abîmes, Twohy renoue avec les effets clipés de l'original (jump cut brutaux, saccades inattendues, couleurs violentes, cadrages déformés, inclinés ou contre plongées extravagantes, auxquels vient s'ajouter un mixage sonore abrupt, privilégiant souvent la partition tribale de Graeme Revell aux bruitages), tout en ajoutant un lot de ralentis impressionnants, notamment lors d'un jeter de corde digne des exploits de Johnny Weissmuller. Les premières images n'en annoncent pas moins un changement de taille, le réalisateur choisissant d'y exposer une mythologie à part entière, à la manière du prologue de La Communauté de l'Anneau. Eclairé d'emblé sous un angle « heroic fantasy », Les Chroniques de Riddick s'efforcera, deux heures durant, d'imposer un univers énorme de manière aussi cohérente que possible, dont les imbrications politiques et religieuses constitueront la clé de voûte, voire l'essence même de l'intrigue.


Aussi complexe et éclaté que Pitch Black était unilatéral, Les Chroniques multiplie les personnages, les drames parallèles, les complots et les enjeux, avec une aisance et une constance dans l'écriture et la réalisation qui forcent le respect. Un constat titillera même les fanatiques de Frank Herbert : en l'état, le film offre la meilleure « adaptation » de Dune jamais projetée sur grand écran. Rien n'y manque, d'un McBeth futuriste (le couple Thandy Newton / Karl Urban, lorgnant dangereusement sur le trône du Lord Marshall) à des errances sur une terre inhospitalière (manque plus que les vers géants !), d'une attaque sol-air dévastatrice sur Helion Prime (une planète de sable) menée par des simili-Arkonen aux alliances sans cesse renouvelées entre les différents camps et une vieille oracle aux motivations douteuses, en passant bien sûr par un lot de prophéties en tout genre, magnifiées par un retournement final dont on n'est pas près de se remettre.


Tissant un champ thématique et visuel d'une richesse rare dans le genre, inspiré d'une œuvre matricielle de la science-fiction littéraire, Les Chroniques de Riddick se paie de surcroît le luxe de ne jamais sacrifier l'intimisme de son histoire à la grandeur de la forme. Culotté mais pertinent, Twohy décide de concentrer les séquences les plus amples en début de métrage, et les fans de gros bruit, d'armées à perte de vue et de vaisseaux d'acier s'entredéchirant dans les airs n'auront pas à attendre une demi-heure pour convoiter leur dû. Pour autant, aucune de ces batailles ne rivalisera avec l'intensité et l'inventivité des morceaux de bravoure impliquant Riddick en personne. En dépit d'enjeux gigantesques, Twohy préfère ainsi mettre l'emphase sur des affrontements à l'arme blanche, directement hérités des combats de gladiateurs de Conan le Barbare (la vision nocturne du héros en plus). Un parti pris aussi radical aurait pu donner naissance à la plus lamentable des séries Z ; chez Twohy, il aboutit à un sommet de science-fiction adulte, parfois sacrément violent, déclaration d'amour perpétuelle à son icône éponyme.

Moria SF

Porté par l'enthousiasme de son réalisateur et le charisme magnétique de sa star (Vin Diesel est et ne sera jamais que Riddick), le film pourrait se résumer à une seule séquence. Situé sur une planète pénitentiaire atteignant des températures de 300 degrés Celsius au soleil et – 150 à l'ombre, le clou des Chroniques ne met en scène qu'une trentaine d'âmes, partagés en quatre groupes : les anti-héros (Riddick, Jack et quelques belles crapules aux faciès patibulaires) s'évadant d'une prison de haute sécurité, traqués par les chasseurs de prime menés par Toombs et les soldats du Lord Marshall, tandis que les gardiens de la prison tentent de voler avant tout le monde le dernier astronef encore en état de marche. Le tout à l'air libre, tous les protagonistes se voyant contraints de suivre, dans une course effrénée, le déplacement d'un microclimat tolérable au corps humain, précédant le lever du jour. Déchaîné, le cinéaste en profite pour synthétiser son œuvre et mêle l'infiniment petit aux visions les plus immenses, entamant un zoom arrière monumental sur le crâne de ses fuyards, pour finalement cadrer la planète depuis l'espace et scruter l'avancée menaçante du soleil sur le flanc des héros. Véritable film dans le film en hommage direct au concept de Pitch Black, la séquence de Crematoria, incroyablement dense (une bonne demi-heure !) apparaît comme la Moria des Chroniques de Riddick : le point culminant du spectacle avant l'affrontement final et le choc de la fin ouverte.


Sachez-le dès maintenant : étant donnée l'issue de ces nouvelles aventures (fans de Conan, accrochez vos ceintures !), Riddick nous reviendra sans doute d'ici quelques années, à la seule et unique condition que le public accroche à l'humour cinglant et crépusculaire de ce bon vieux Vin Diesel. Aux Etats-Unis, où Shrek 2, rappelons-le, a déjà dépassé les chiffres du Retour du Roi, le blockbuster extraterrestre de David Twohy a manqué son atterrissage, faute d'un lancement promotionnel approprié. Si l'on peut d'ores et déjà lui prévoir un triomphe dans les vidéo-clubs et les rayons DVD d'ici quelques mois, repères privilégiés des « nerds » du monde entier, on ne saurait trop vous conseiller de découvrir la pelloche en salles obscures. Mariage certes imparfait (il manque vingt minutes et ça se sent parfois lourdement) mais inespéré de SF littéraire et cinématographique, de serial et de fantasy, ce film mastodonte semble avoir toujours été envisagé en ce sens…

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