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Cowboy Beebop

Publié le par Oliver

Cowboy Beebop

Sur Mars, en 2071. Un camion citerne explose en plein centre ville, libérant un étrange microbe tuant des centaines de personnes. Une prime est offerte pour l'arrestation des responsables. L'équipe de chasseurs de primes du vaisseau Bebop, composée de Spike, Faye et Jet (sans oublier Ed et Einstein, le chien), entreprennent de remonter jusqu'au cerveau de l'attentat, qui semble être un certain Vincent, membre d'un commando d'élite mort depuis longtemps…

Animatrice

Il est des lieux communs qui ont la vie dure. Comme par exemple celui de cataloguer l'animation comme un genre en soi, et l'animation japonaise en particulier. En occident, pour qu'un film de japanimation accède au rang d'œuvre cinématographique à part entière, il doit répondre à certains critères : sujet ambitieux, traitement auteurisant, rythme hypnotique… Tout le reste est catalogué dans l'infâmante caste des "mickeys nippons" (en voilà une expression crispante…). Alors forcément, quand un film comme Cowboy Bebop débarque sur nos écrans, il risque de ne pas satisfaire les "catégoriseurs" fous : on y trouve pêle-mêle du film noir, des scènes de kung-fu, de gunfights, de "dogfights" starwarsiens, du western spaghetti, de la SF, du spleen existentiel, du jazz, de l'humour, des jolies filles…Mais pour mieux appréhender l'importance du film, il convient de glisser un mot sur la série TV Cowboy Bebop, par laquelle tout a commencé.

Bonheur en série

Créée en 98 par Shinichirô Watanabe (qui a depuis signé deux épisodes des Animatrix), la série Cowboy Bebop part d'une idée simple : les aventures de chasseurs de primes du futur. Mais plutôt que de tomber dans le cliché SF habituel, le réalisateur décide de livrer un chant d'amour au cinéma occidental, et plus précisément américain : le western, le polar, etc. Intégrer tous ces éléments dans un cadre narratif aussi restreint que celui de l'argument de Cowboy Bebop est déjà un exploit en soi. Mais élever ce principe au rang d'art, comme le fait Watanabe, est tout simplement magique. La série, qui ne connut qu'une seule saison, est un chef d'œuvre définitif de 26 épisodes, conduit par un personnage principal inoubliable : Spike Spiegel. Ce chasseur de primes aux cheveux vert a tout du privé US : costume froissé, clope au bec, de l'acier dans les veines et une blessure incurable au cœur. Sa rencontre avec ceux qui formeront son équipe (Jet, son coéquipier bourru, Faye, la superbe chasseuse de primes, Ed, le gamin génie de l'informatique totalement azimuté et Einstein le chien au QI surdéveloppé) décrit la tentative de Spike pour créer autour de lui une cellule familiale qui volera en éclats sous le poids de la fatalité. La série se concluait par un épisode tétanisant, peut-être l'un des plus scotchants de l'histoire de la TV (oubliez 24 !).

Re-connaissance

Et de fait, avoir visionné l'intégralité de la série TV s'avère un grand plus pour apprécier pleinement Cowboy Bebop - le film. D'une part parce que la connaissance des personnages ainsi apportée décuple le plaisir de les voir réunis une fois de plus pendant près de deux heures. Ensuite, le film est parcouru de références aux histoires de ces personnages, qui renforcent le poids des dialogues. Et enfin, le long-métrage est précisément situé dans la chronologie de la série : entre les épisodes 22 et 23. Soit juste avant que le petit groupe ne vole en éclats, et juste après que Spike ait rencontré sa Némésis inoffensive dans l'épisode "Cowboy Funk" (rien que le titre établit une analogie entre les personnages). Dans le film, Spike rencontre une autre Némésis, autrement plus dangereuse, Vincent. Celui-ci est le personnage qui supporte toute l'idée directrice de Cowboy Bebop – le film, à savoir une réflexion sur la réalité. Car oui, malgré des atours de divertissement de haut vol, le film de Watanabe se penche également sur cette épineuse question qui a dernièrement secoué le cinéma (de Matrix à Spider en passant par Avalon) : comment être sûr que le réel est réel ? Mais avant de pousser un soupir las, sachez que contrairement aux films précités, Cowboy Bebop introduit cette problématique de manière extrêmement subtile. Sans rentrer dans les détails et vous spoiler le film, sachez que le personnage de Vincent souffre d'un mal incurable qui rend son existence insupportable. Il ère dans une irréalité dont il ne parvient plus à juger la véracité. Il décide donc de contaminer la planète entière afin que sa réalité isolée soit celle de la civilisation entière, ce qui mettra fin à sa solitude. Ce qui en fait un personnage fascinant, loin du méchant de base auquel son apparence physique le conditionnait de prime abord. Sa relation avec Spike est toute aussi profonde. Ce dernier traînant un spleen existentiel incurable depuis une tragique histoire d'amour, ère également dans un monde qu'il ne considère plus comme le sien. Dès leur première rencontre, les deux hommes se reconnaissent instantanément comme deux frères perdus dans l'existence, ce qui apporte à leur affrontement une rare densité. Alors, pas mal pour un film d'animation japonais de plus, non ?

Musiques au coeur

Mais avouons le, cette finesse contextuelle ne suffirait pas à faire de Cowboy Bebop le morceau de cinéma immédiatement jouissif qu'il est. Car le film est un bonheur de tous les instants, une orgie de sensations visuelles et sonores qui ne vous lâche jamais, passant de scènes d'actions incroyablement maîtrisées (les séquences de combat sont juste hallucinantes) à des passages plus introspectifs magnifiquement mis en images (la découverte de l'histoire de Vincent combinée en deux narrations qui se rejoignent par la simple magie de la mise en scène). L'animation confère aux personnages un réalisme saisissant (voir la gestuelle de Spike dans le combat contre Elektra) qui renforce leur présence à l'écran. Cette volonté est d'ailleurs soulignée par un générique de toute beauté, officieusement réalisé par Hiroyuki Okiura (Jin-Roh), où défilent des situations de tous les jours, comme prises sur le vif dans la rue, et qui facilitent l'acceptation de l'univers du film. L'action a d'ailleurs beau se passer sur une ville de Mars, on y retrouve des panoramas issus de New York, d'Afrique du nord ou de Paris (le final se déroule dans une Tour Eiffel). Ce melting-pot visuel d'une incroyable cohérence est soutenu par un élément vital à la réussite du film : le score de Yoko Kanno. Cette compositrice de génie est en effet l'un des principaux artisans du succès de Cowboy Bebop, la série comme le film. La musique qu'elle a composée pour les deux médiums combine le jazz le plus nerveux comme le plus mélancolique (le générique de la série est monstrueux), les mélodies arabisantes, le rock, la pop, le score classique… Et tout comme dans le film, les genres fusionnent harmonieusement pour créer une atmosphère unique, joyeuse et mélancolique, survoltée et triste. C'est d'ailleurs bien là que réside la réussite du film : vous emmener dans un univers inconnu pourtant balisé de repères familiers, qui décuplent le plaisir de la découverte à l'infini. En bref, c'est du cinéma, du bon, du vrai, du pur.

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